Sébastien Delage
Sébastien Delage
Sébastien Delage

Une bio c’est quoi ? (Bis repetita)

Une bio de Sébastien Delage, elle dirait quoi ?

Elle dirait qu’il ne tient pas en place, qu’il travaille tout le temps dans son studio-studio. Un album par an depuis qu’il a entamé sa carrière solo. Turbostérone en est le troisième opus.

Delage a définitivement enterré la vie potentielle prof d’anglais et vie normée. Sa banlieue, il ne veut pas l’avoir quitté pour rien.

Un troisième album comme une promesse à soi, une promesse d’aller au bout de quelque chose, au bout d’un chemin. Et ce chemin, il décide d’y aller vite au volant de bolides qui sentent fort le mauvais cuir et les plastiques années 90.

Si cet album a failli ne pas voir le jour c’est bien parce l’autoproduction rime souvent avec la crise de nerf. Mais les conditions d’existence de sa musique exigent cet artisanat et ces camaraderies des projets fabriqués à plusieurs mains.

Et ce collectif qui sauve et qui permet, il l’assume de plus en plus.

Ses deux premiers disques (l’EP Fou et l’album Rien Compris) disaient tout de lui, sans filtre, frontal… Libido homo...Bipolarité... Polyamour...

Son second album, Baise Platine, a été écrit comme un tir de mortier, éjecté du Delage-artiste hypomaniaque en quelques jours. Cet album, on pourrait dire qu’il le dédie à sa communauté de désir et communauté politique. Un album à la nudité évidente mais où la direction artistique a pris une place plus précise, celle de construire une œuvre qui le dépasse.

Avec Turbostérone, Delage gagne en confiance et assume d’autres bouts de lui. Les voitures, les jeux vidéo, c’est pas qu’un truc d’hétéro. Delage nous propose un voyage en cinémascope d’un temps vintage aux amours simples, d’un temps d’avant mais où la nostalgie n’a pas sa place.

Delage nous plonge dans ses souvenirs banlieue-voiture-d’occasion pour continuer son exploration sociale et poétique de la question homo/pd/gay.

Une exploration du désir et de l’identité avec leur contradiction, osant complexifier sa musique, prendre les mots avec le sérieux qu’ils appellent. Des mots qu’il assume avec leur grossièreté et leur vérité.

Dans ce troisième album, il abandonne en partie sa timidité qu’il cachait depuis le départ dans une surexposition volontaire et décomplexée pour affiner et même affirmer l’identité et la culture plus subtile des homos ; culture qui se trouve aussi dans l’amour des voitures et des films de « garçons ». Une revendication « pédé », comme le revendique aussi les féministes d’un droit sur les territoires des hommes, les « vrais ».

Tendr’ex, dernier titre de l’album serait peut-être le maître mot de cet opus. La tendresse est une énergie contradictoire. Il faut de la force pour être tendre - être vulnérable.

Delage, avec cet album, revendique une tendresse assurément radicale.

L. Bigórra